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Tombe, Victor ! | Deuxième partie -6/3-

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Ce sont deux petites collines de soie...
Faire l’amour, c’est s’enfouir, aussi. Au creux d’Angelo, lové tout entier dans ses bras généreux, je m’abandonne avec délice, m’enivre du parfum de sa peau encore imprégnée d’iode marin, m’y oublie avec la volonté d’arrêter la course du temps, inscris un point d’orgue sur la partition de ma vie avant de reprendre mon chemin ad libitum. Rassasié maintenant de tant de jouissances – nager à perdre haleine, aimer à corps perdu-, l’ange s’est endormi, dont je contemple le corps souple aux lignes de statue grecque. J’ai posé ma main droite sur les fesses pommelées que j’effleure ; c’est une partie de lui que je vénère, à laquelle je pourrais dresser un autel, dont le grain de peau change de texture selon qu’on la frôle, qu’on la touche, qu’on la malaxe avec plus d’ardeur. Ce sont deux petites collines de soie, entre lesquelles serpente  un vallon moussu où se niche la rosace divine que je sais embraser après que l’ami m’en a inculqué la manière. Il frémit sous mes caresses ; s’il dort, je sais qu’une autre région de son corps, exactement de l’autre côté, s’éveille doucement de mes attentions prodiguées, que ses paupières vont lever leur rideau et que nous allons recommencer jusqu’à l’heure fatidique où je devrai partir comme un voleur pour préserver les seuls moments où la famille se réunit. Ils partageront un repas d’été, frugal, ensoleillé d’huile d’olive et de pain frotté d’ail rougi de tomates de pays rapportées du marché provençal du cours Massena. Chez moi, j’aurai le temps de jouer un peu, sans travailler vraiment, les morceaux du concours d’entrée au conservatoire que j’aurai à passer en septembre. Il y a un Bach –oh oui, Bach !-, une étude de Chopin -la récalcitrante dont il me faudra bien venir à bout- et un Allegro Barbaro de Bartok –pouah !- qui porte bien son nom. Je devrai résister aux suppliques de ma mère, qui voudra l’un de ces récitals intimes qui sont l’une de ses raisons de vivre. Que son fils est beau, talentueux –au minimum !- quand il joue les grands tubes classiques –que je déteste !-, valses romantiques, nocturnes en tons mineurs, et autres pièces galvaudées du répertoire des concerts de province destinés à des oreilles mi-closes ! Ce soir Télé Monte Carlo diffusera un grand film que je regarderai avec elle, qui, par amour, ne rechignera pas devant un western, elle qui ne jure que par les sucreries où apparait, impériale, une Romy Schneider qu’elle vouerait aux gémonies si elle savait qu’elle apparait nue dans le dernier film de Claude Sautet.
me repaître des corps en partie dénudés des indiens

Elle s’endormira avant l’entracte systématiquement dévolu à une marque de bain bleu moussant « à la japonaise » et au déodorant Printil -"être frais, c'est facile, le rester c'est Printil !"-, comme si la télévision monégasque n’avait d’autre préoccupation que l’hygiène intime de ses spectateurs. 
Je pourrai alors me repaître des corps en partie dénudés des indiens de John Ford, en pensant à celui, en couleurs et trois dimensions, de mon cheyenne pacifique, que, fermant les yeux, j’imagine galopant, libre, dans les grands espaces de Monument Valley, sur un pur-sang d’une étincelante blancheur.
J’aurai une nuit peuplée de rêves mauves, de celles où s’entrechoquent le pire et le meilleur, les fesses dodues d’un ange et la silhouette noire du démon.
(A suivre)
(c) Silvano Gay Cultes 2013/2014 
  Si vous avez manqué le début :  tous les épisodes, dans l'ordre, depuis le n° 1 : clic

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