Quantcast
Channel: Gay Cultes
Viewing all articles
Browse latest Browse all 15048

Tombe, Victor ! | Deuxième partie -8/2-

$
0
0

Qui est-il, ce frère... ?
« Paul et le fils Bianchini, qui fait la femme ? »
Une phrase, une question, terribles, anonymes bien sûr, imprimées sur une feuille de papier pelure jaunâtre d’où suinte le désir de nuire.
« Eh bien, dis donc, t’as pas que des amis, toi ! Y a quelque chose de vrai là-dedans ? »
Qui est-il, ce frère que je connais peu, finalement, avec lequel ma relation s’est limitée, jusqu’à présent, à des repas en commun, à de lointaines vacances, oubliées de lui sans doute, qui s’est émancipé de bonne heure, désireux de fuir un père égoïste,  lequel ne sait qu’obéir à plus gradé que lui et n’a de l’éducation des enfants que des notions anachroniques ? Oh, certes, Gabriel n’a jamais manifesté la moindre animosité à mon égard, un peu d’agacement tout au plus devant l’admiration incontrôlée que porte notre mère au petit dernier, au musicien, dont il aime à railler, parfois, mais jamais en présence des parents, des attitudes se voulant « romantiques » qu’il dénonce d’un « chochotte ! » sarcastique. J’ignorais jusqu’à présent qu’il avait pris en horreur la famille, la caserne et celui qu’il n’appelle plus que le « paternel ». Et c’est ce qui me sauve, qui lui fait accepter- je le lis dans un regard qui n’avait jamais été si bienveillant- la révélation d’une différence qu’il subodorait. Ces pensées rassurantes m’ont traversé l’esprit à un tempo effréné. Mon parti est pris : je ne nierai pas.
Mon frère, mon nouvel ami peut-être, a lu en moi le désordre qui vient de s'établir :
-Allez, viens, je te paie à boire au Glacier, tu me diras ce que t’as envie de dire.
C’est, pour lui, une manière de me montrer qu’il a franchi un cap, celui du passage à l’âge adulte, qu’il gagne des sous, qu’il peut « payer à boire » au petit frère, mais aussi, je préfère le penser, qu’il veut me faire plaisir et calmer ma légitime inquiétude. On pourrait rejoindre le grand café de la place De Gaulle à pieds, mais Gabriel profite de l’occasion pour montrer ses talents de conducteur à son cadet. Je prends place fièrement sur les sièges en similicuir de la Floride avant que Gabriel ne m’honore d’un tour de ville tous cheveux au vent, autoradio égrenant les chansons du hit-parade de Radio Monte Carlo, avec un détour par le port et les remparts dont la route, étroite, interdit la circulation à double-sens, permettant à mon chauffeur des accélérations qui me tassent dans mon siège, au bord du malaise. Gabriel gare la Floride à côté d’une Triumph TR4 qu’il détaille avec envie :
-Tu vois, ça, c’est la bagnole d’un journaliste de Nice Matin. Si je vends bien, j’aurai la même.
Il y a dans son comportement de jeune homme des bribes d’une enfance qui ne veut raccrocher définitivement, et je me surprends à le regarder avec tendresse : c’est  un beau jeune homme de haute taille, svelte ; les cheveux noirs, longs (mais pas trop, pour ne pas irriter son patron) encadrent un visage bronzé où veillent deux yeux d’un bleu aquatique ; le regard est comme légèrement voilé, lui conférant un air mystérieux à faire fondre plus d’une minette. Le nez proéminent (une marque de famille), loin de l’enlaidir, lui confère une autorité qui compense la douceur des traits.
Tout : je lui révèle tout de moi. Pour me hisser à hauteur d’adulte, et non par envie véritable, j’ai commandé un demi-panaché-bien-blanc que j’oublie, tant je me fais volubile, en totale confiance à présent. Je lui dis Victor, évoque avec pudeur mes premiers émois, lui raconte mon essai de flirt « normal » avec Nadine, mon dépit amoureux, la rencontre salvatrice avec Ange, sans omettre la relation angoissante avec l’ennemi intime.
(A suivre)      
(c) Silvano Gay Cultes 2013/2014 
Si vous avez manqué le début :   
tous les épisodes, dans l'ordre, depuis le n° 1 : clic


... une Triumph TR4 qu'il détaille avec envie.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 15048

Trending Articles