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On a vite oublié notre dispute : à l’amphithéâtre, Victor a sorti de son cartable un vieux magazine pour adultes qu’il a fauché à son grand frère.
« Les folies de Paris et Hollywood », ça s’appelle. Dedans, il n’y a que des femmes nues ; à toutes les pages. Il a dit qu’en réalité, les femmes ont des poils, pas comme dans la revue où elles ont la peau rose ou orange, ou même gris-clair quand les photos ne sont pas en couleurs.
Il en parle tout le temps, mais chaque samedi, il y a toujours un problème qui nous empêche d’y aller. Au fond, moi, je suis content, car finalement, cette histoire de toucher une fille avec des poils, ça me fait un peu peur.
Je préfèrerais mettre ma main dans les cheveux de Victor qui sont très noirs, un peu rêches, enfin je crois.
J’aime bien aller en gym avec lui ; je dois garder le secret, mais quand il est en short, ça me fait des frissons ; je ne peux pas lui en parler, il me traiterait de tapette.
Des tapettes, il en voit partout, Victor : quand je lui ai dit que j’avais acheté le nouveau 45 tours de Claude François, il a dit : « Cette tapette ? » et il a ajouté qu’il savait de source sûre que c’en était une, qu’il l’avait lu dans «Minute ».
Alors, maintenant, je fais attention à tout ce que je dis ; ça me ferait très mal qu’il pense que, moi aussi, je suis une tapette.
Déjà, l’autre jour, quand j’étais en bermuda, Victor a dit que j’avais des jambes de fille, parce que j’avais pas de poils.
Ce qui est bizarre, c’est qu’il a passé la main dessus doucement en disant « Oh la la, ces jambes de fille, c’est doux ! », et puis, il s’est mis à rigoler.
J’ai rien dit, mais ça m’a fait vraiment plaisir quand il m’a caressé la jambe.
J’y ai repensé le soir dans mon lit avant de m’endormir : il fallait surtout pas que je me fasse des idées, il a dû dire ça pour se marrer, c’est tout.
J’ai bientôt quatorze ans. Il y a des choses bizarres entre mes parents, mais je ne peux pas en parler à la maison, parce que ma mère déteste qu’on aborde ce sujet. Depuis que mon grand frère est parti au service, elle dort dans sa chambre ; je sais qu’elle n’aime plus beaucoup mon père : avant, quand ils dormaient dans la même chambre, je les entendais se disputer la nuit. Après, elle allait dormir dans le canapé du salon et je crois bien qu’elle pleurait.
Je ne sais pas à qui je vais bien pouvoir dire ce qui me tourmente.
Ma bite est dure tout le temps ; si je le dis à Victor, il va me traiter de tapette ; il va penser que c’est lui qui me fait cet effet. C’est presque vrai, d’ailleurs : quand on est tous les deux, j’ai l’impression que je bande encore plus que d’habitude ; je me fais croire que ce sont les photos des femmes sans poils, mais, au fond, je sais bien que non.
A suivre
(c) Silvano Gay Cultes 2013
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...elles ont la peau rose ou orange, ou même gris-clair quand les photos ne sont pas en couleurs. |